Historique

  • Origines du mouvement cistercien

Depuis le VIe siècle, l’ordre de Saint-Benoît, plus connu sous le nom d’ordre Bénédictins, avait rechristianisé l’Europe après les invasions barbares.
Cependant, après la fondation de Cluny en 910, ce grand ordre se relaxe de l’esprit de son Saint Fondateur. En effet à cette époque, la voie monastique clunisienne voit s’élever contre elle des critiques de plus en plus nombreuses. L’activité liturgique clunisienne ne semble plus permettre le respect des vœux d’humilité, de pauvreté et de charité souhaités par Saint Benoît. L’exclusivité des activités intellectuelles ont coupé les moines d’une des exigences de la règle bénédictine : le travail manuel. Une réforme s’impose.
C’est alors que Robert, désirant vivre la règle bénédictine dans sa plus grande pauvreté, se retire dans la région de Tonnerre en 1075 pour y fonder l’abbaye Notre Dame de Molesme. Il y applique son idéal monastique en partageant solitude, pauvreté, jeûne, prière et travail avec sept ermites installés dans la forêt de Collan. Cependant, cette abbaye étant un tel succès qu’elle perdit sa solitude et sa pauvreté.
Sachant qu’il ne parviendra pas à satisfaire ces idéaux dans le climat de Molesme, où s’opposent les partisans de la tradition et ceux du renouveau, Robert, avec l’autorisation du légat du pape Hugues de Die, se retire en 1098 à Cîteaux avec un petit groupe de 21 moines.
Le lieu est peu accueillant, hostile même, mais les terres sont cultivables et peuvent assurer la subsistance des moines, tout en leur offrant l’isolement et le silence propices au recueillement et à la paix monastique.Saint Alberic est le premier abbé de l’Abbaye de Cîteaux.

En 1113, Bernard de Clairvaux, alors âgé de vingt-deux ans, décide d’aller à la rencontre de Dieu et de vivre dans l’ascèse monastique la plus rude. Il choisit de prendre l’habit de moine à Cîteaux. Dès son arrivée, la communauté connait un prodigieux essor grâce à son extraordinaire rayonnement et à son action. La personnalité charismatique de Bernard, le maître spirituel incontesté de Cîteaux, marquera l’histoire de l’Ordre durant la première moitié du XIIe siècle et attirera de nombreux convertis.

La communauté devient florissante et l’espace manque pour y loger les religieux. Il faut essaimer : La Ferté en 1113, Pontigny en 1114, Morimond en 1115, Clairvaux en 1115 avec comme premier abbé, Bernard. Ces 4 monastères seront les quatre « filles de Cîteaux » dont sortiront les rameaux de l’Ordre cistercien. L’Ordre de Cîteaux gagne toute l’Europe : dans les provinces françaises, en Angleterre, en Allemagne, en Bohême, franchissant les Alpes et les Pyrénées. L’Ordre comptera jusqu’à 762 monastères. L’abbaye de Clairvaux est, de loin, la plus féconde de toutes les abbayes cisterciennes, en raison principalement du charisme de Saint Bernard. Elle fonde ou incorpore à l’ordre cistercien 80 abbayes filles directes (et plus de 350 abbayes filles en tout) à travers toute l’Europe, dont la première fille sera Trois-Fontaines.

  • La Fondation : Trois-Fontaines, Première fille de Clairvaux

En 1118, Guillaume de Champeaux, évêque de Châlons, désireux de fonder une abbaye cistercienne dans son diocèse, obtient un domaine dans la Forêt de Luiz (aujourd’hui Forêt de Trois-Fontaines) situé au confins de la champagne et du Barrois. Les abbés de Saint-Pierre-de-Clâlons, de Cluny, deXIIe Saint-Oyen et les chanoines de Compiègne cèdent également leurs propriétés situées dans la forêt.

Saint Bernard y envoie 12 moines de Clairvaux accompagnés de l’Abbé Roger. Ils arrivent le 10 octobre sur un véritable marécage formé par les eaux de la Bruxenelle, petit cours d’eau alimenté par trois sources (Fontaine Saint-Blaise, Fontaine aux Lentilles et Fontaine du Loup), d’où le nom de Trois-Fontaines. Leur premier travail est alors d’assécher le lieu en créant canaux souterrains, moulin, et étangs.
Ils construisent leur première église temporaire en bois, mais les dons leur permettent d’édifier rapidement une nouvelle église en pierre. La construction de l’abbatiale débute en 1160 pour se terminer en 1190.

De l’abbaye du XIIe siècle, il ne reste aujourd’hui que les ruines de l’abbatiale.

  • Les transformations au fil des siècles

Durant le Moyen Age, la vie cistercienne à l’abbaye avance au rythme des saisons et des prières. Les multiples donations permettent aux moines d’acquérir de nombreuses granges et fermes autour de l’abbaye et à Villiers-en-Lieu, Vitry-en-Perthois, Wassy, Vic-sur-Seille, Saint-Dizier, Gueux près de Reims. Ils exploitent également dans les hauts fourneaux les minerais de Wassy et les salines de Vic-sur-Seille. Après l’acquisition du moulin de Frignicourt, en 1237, les cisterciens de Trois-Fontaines se trouvent propriétaires d’une entreprise à la fois agricole, industrielle et minière. Ainsi, pendant quatre siècles, la propriété matérielle de l’abbaye s’accroît.

L’abbaye devient si florissante que Trois-Fontaines pu répandre la vie monastique et fonder les abbayes cisterciennes de La Chalade en 1128, d’Orval en 1132 (qu’ils reprennent), de HauteFontaines en 1136, de Cheminon en 1138, de Monthiers en Argonne en 1144, de Chatillon en 1153. Elle fonde également en Hongries l’abbaye de Saint-Gotthard (Szentgotthard) en 1183, et l’abbaye de Bélakut en 1233.

Après les dernières acquisitions importantes du XIIIe siècle, Trois-Fontaines connaît une longue période de léthargie. Mais, isolée au milieu de l’immense forêt de Trois-Fontaines, à l’écart des grandes voies de communication, elle est épargnée par le passage des armées ou des bandes de soldats licenciés lors de la guerre de Cent Ans, des guerres de Religion, de la Fronde et de la guerre de Trente Ans.

Au XVe siècle, la règle cistercienne parait trop rude et les vocations se raréfient. Ainsi, au XVI siècle, les revenus de l’abbaye, excessifs pour une population monacale diminuée, deviennent une proie convoitée par les séculiers et, dès 1536, l’abbaye est soumise au régime de la Commende. L’abbaye est placée sous l’égide d’abbés commendataires (nommés par le roi) qui n’y réside pas mais qui en tire les bénéfices.

Une partie de l’abbayeXVIIIe est détruite par un incendie en 1703. De nombreux abbés commendataires se succèdent à l’abbaye et entreprennent des travaux de construction et de reconstruction dès 1717. Le cardinal de Tencin, qui tint l’abbaye de Trois-Fontaines en commende de 1739 à 1753, entreprend vers 1740 la reconstruction complète du monastère. L’abbatiale construite dans le style simple et dépouillé cher aux premiers Cisterciens, est « rhabillée » dans le goût du jour d’ogives, de rosettes de chapiteaux. Les travaux se terminent par la construction du portail d’entrée en 1741.

Avec la Révolution, les ordres monastiques sont supprimés en France. L’ensemble de l’abbaye et ses biens deviennent « domaine nationale ». En1790, les 15 derniers moines de Trois-Fontaines sont chassés et le mobilier est dispersé (Les manuscrits sont transférés à Vitry-le-François mais brûlent lors des bombardements de 1940). En 1794, les bâtiments du monastère sont vendus à Jean Royer, boulanger à Vitry,  qui rétrocéda à M. Bourdon de Saint-Dizier dans le but de vendre les matériaux. L’abbaye sert alors de carrière de pierre. En à peine 10 ans la plupart des bâtiments conventuels sont démolis. L’église abbatiale échappe à la destruction et sert d’église paroissiale.

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Les propriétaires se succèdent ensuite et entretiennent certaines parties des Pavillons restants pour y faire leur maison d’habitation. L’abbatiale commence à tomber en ruine en 1825 faute d’entretien. On peut retrouver le maître autel du XVIIIe siècle à l’église de Sermaize-les-Bains, les orgues à la collégiale de Vitry-le-Francois, et le lutrin de marbre sculpté dans l’église de Cheminon.

Des bâtiments du XVIII, il ne reste aujourd’hui que deux Pavillons rattachées par une galerie.
L’abbaye est maintenant classée « Monument Historique ». Elle est toujours propriété privée. Depuis 1965 une association de bénévoles œuvre à la sauvegarde, à l’entretien et à l’animation de l’abbaye.

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